Réfugiés : TOUT EST PERDU, SURTOUT L’HONNEUR !, par François Leclerc

Billet invité.

On ne pourrait trouver meilleur symbole d’un naufrage, le 60ème anniversaire du Traité de Rome va être célébré en grande pompe tandis que des réfugiés encore par centaines viennent de mourir cette semaine noyés pour avoir tenté de se réfugier en Europe. L’un d’entre eux sera-t-il nommé citoyen d’honneur à titre posthume ?

L’hypocrisie fait loi quand on entend le commissaire européen aux Migrations, Dimítris Avramópoulos, qualifier de « succès » l’accord avec la Turquie, car « il sauve des vies », réduisant les noyades en mer Egée. Ou quand les plus hautes autorités européennes ont comme projet de refouler en Libye les réfugiés qui tentent leur chance, tout en sommant les autorités libyennes de « redoubler d’efforts » pour faire respecter les droits des migrants dans les centres de détention.

Centres de détention est d’ailleurs un bien grand mot pour ces hangars où les réfugiés sont entassés dans des conditions d’hygiène abominables, sans lumière, sans espace, avec des distributions irrégulières de nourriture et d’eau de mauvaise qualité. Certains attendent là depuis des mois. En Libye, de nombreux réfugiés sont victimes de torture et les femmes de viols, et tous les jours certains meurent. Quand ils ne subissent pas de mauvais traitements, ils sont cruellement sous-alimentés et gardés par des milices. Le nombre des réfugiés est estimé à 1,3 million.

Croyant avoir trouvé une solution magique, les Européens prétendent « casser le modèle économique des passeurs » et cherchent à rallier à leur cause les tribus de nomades qui contrôlent une grande partie des voies d’accès dans le sud libyen. Jusqu’à présent, elles collaboraient avec les trafiquants et gagnaient ainsi entre cinq et six millions d’euros par semaine. Que va-t-il leur être proposé de mirifique ?

L’autre volet du plan est de fournir des moyens militaires, dont des garde-côtes qui opéreront sous pavillon libyen dans les eaux territoriales du pays, sans avoir de garantie sur leur destination et usage effectifs, une fois les livraisons effectuées. Trois gouvernements luttent les uns contre les autres, et même à Tripoli certains quartiers sont contrôlés par des milices. Enfin, le président du Conseil européen Donald Tusk a assuré que le plan européen serait mis en oeuvre dans le « respect total des droits de l’Homme », ce qui est une mauvaise plaisanterie. Si jamais il devait fonctionner, les réfugiés seraient bloqués dans une situation infernale.

Dans les îles grecques, les réfugiés sont entassés dans des conditions très précaires dans des camps où ils se morfondent, eux déjà bloqués pour l’exemple afin de montrer que si on peut toujours se risquer à y débarquer, il n’est pas question de s’en échapper. Par milliers ils ont entamé une attente dont ils ne connaissant pas la durée.

Ils sont aussi coincés en Italie quand ils y parviennent, car aucun autre pays européen ne veut les accepter. C’est le cas de 21.000 d’entre eux, arrivés depuis le début de l’année, accueillis dans des structures surpeuplées et souvent insalubres. 175.000 réfugiés attendent une réponse à leur demande d’asile et le gouvernement italien a développé une politique de « travaux socialement utiles » qui leur sont destinés, mais pour lesquels ils ne sont pas rémunérés afin de ne pas concurrencer les Italiens à la recherche d’un emploi.

Malgré les denses échanges de compliments entre les gouvernements allemand et turc, ce dernier ne passe pas à l’acte et s’en tient à la menace de laisser les réfugiés tenter à nouveau leur chance pour rejoindre les îles grecques surpeuplées en traversant la mer Egée. Les plus hautes autorités européennes affectent de ne pas croire que l’autocrate turc ouvrira finalement ses frontières aux réfugiés syriens, tranquillisés par la fermeture de la Route des Balkans, leur deuxième ligne de défense.

N’ayant décidément pas choisi leurs alliés, les Européens comptent sur le hongrois Viktor Orban pour faire construire par des détenus une nouvelle barrière électrifiée de 150 kilomètres. Celle-ci est munie de détecteurs de chaleur, de caméras et de haut parleurs diffusant des messages dissuasifs en anglais, en arabe et en farsi. Deux zones de transit ont été créées en tout et pour tout, qui peuvent accueillir chacune… dix demandeurs d’asile par jour.